Sylvain Gérard

Artiste contemporain, fusain, dessins, pastels, aquarelles, peinture

Texte Jean-Pierre Ostende

Un singe seul sur un comptoir
Ces derniers temps la pluie sur la ville cerne chaque chose d’un trait noir, y compris autour des lettres blanches qui forment l’injonction TOUT DOIT DISPARAITRE sur la vitrine en face de la brasserie.
Sur la table près de la tasse de café, il y a cette photographie où Sylvain Gérard est souriant, un collier de fleurs autour du cou. Ce devait être un de ces moments tranquilles, lui qui alternait la rage et la douceur.
Dans le bar le juke-box est allumé et Guy tout petit n’arrive probablement pas à sortir de la machine où il a été enfermé puisqu’il tape des pieds et qu’il hurle la Passionnata la Passionnata.
Il fait si sombre en plein jour.
Dix ans auparavant, dans un bar, place de la Bourse, un singe posé, assis, attaché sur le comptoir, les yeux plein de larmes, devant les bouteilles regarde le beau visage de cet homme, les cheveux blonds, cet air de GI revenu blessé du Vietnam, la trentaine en fauteuil roulant, Racé comme un hidalgo, qui mate les filles de nuit. Avec du vin blanc, il veut emmener Billie Holiday et Tracy Chapman pour leur montrer sa collection de guitares, ses chaussures toujours neuves, forcément.
Un perroquet derrière le comptoir répète :
– Il est très tard, M. Sylvain Gérard. Vous voulez peut-être rentrer chez vous dessiner au fusain?
La dernière image c’est le singe des lieux blafards, dans le bar la nuit, enchaîné à l’immense comptoir.

Jean-Pierre Ostende